REFLEXIONS SUR LA CRISE DE LA FAMILLE (PARTIE 4)

Publié le par Thieni Hama

Troisième pratique: L’éducation sexuelle des jeunes.

la présente analyse est beaucoup plus dense et interroge le poids de l'environnement social sur l'éducation sexuelle, d'ou le recours aux lunettes des sociologues.

L’éducation sexuelle même s’il n’est pas un concept nouveau en Afrique, avait des modalités de mise en œuvre, c'est pourquoi les camps d’initiation, les tantes et les oncles étaient le socle sur lequel se bâtissait cette éducation dont-on constate jusqu’à présent la survivance dans nos sociétés. Pourtant, ce type d’éducation ne semblait pas être connu par certaines sociétés. En effet, les propos de certains auteurs montraient déjà la résignation et la déliquescence des valeurs morales en matière d'éducation sexuelle.

          « Nous savons que la chasteté et la continence, en l'état actuel de nos mœurs, sont difficiles à pratiquer pour les jeunes gens. Les adolescents, les jeunes hommes, les hommes de toutes les conditions sociales, sont élevés dans la foi qu'ils ont des besoins sexuels impératifs à satisfaire et des droits sur la femme pour apaiser leurs désirs ou leurs passions sexuelles »[1]

Il se trouve aujourd’hui que les valeurs socio-culturels caractéristiques de l’Afrique se sont considérablement effritées à tel point que, la même situation d’incompétence et de résignation en matière d’éducation sexuelle jadis présente en occident, se retrouve et se construit lentement et surement sur le continent et dans notre société. Notons que l’acculturation en matière d’éducation sexuelle est réelle. En effet, ce n’est pas anodin si le mot acculturation a été introduit dans les années 1940[2], par les culturalistes  car la colonisation avait mis en contact des cultures différentes avec des transformations opérées au sein des sociétés traditionnelles par la modernité. L’homogénéité culturelle de ces sociétés ou en d’autres termes la spécificité culturelle va être bouleversée, et c’est pourquoi d’ailleurs l’anthropologie contemporaine mettra l’accent en matière d’études sur la diversité les processus de transformation d’une culture au contact des autres, tout en mettant en exergue les phénomènes de syncrétisme, d’intégration et d’influence. Ce phénomène pourrait expliquer sans doute la situation catastrophique de l’éducation sexuelle dans les sociétés africaines mais également les profondes transformations des canaux de transmission des valeurs liées à ce type d’éducation.

C’est pourquoi d’ailleurs certaines circonstances liées à la colonisation, au métissage et à l’imbrication des valeurs et normes provenant de divers cultures constituent un paradoxe et un enjeu de taille dans l’analyse des difficultés liées à une éducation sexuelle non pas en terme de « perversion sexuelle» de l’enfant mais plutôt en terme d’apprentissage de bonnes pratiques et comportements respectueuses de la dignité humaine. Pour appréhender cette situation liée à l’éducation sexuelle, nous allons aborder trois éléments dont nous estimons essentielles dans la compréhension de la perversion des jeunes en matière de sexualité.

  •  Le milieu et les pratiques sexuelles

La naissance de certaines sciences de l’homme à l’image de la sociologie, dont l’un des objectifs de départ étaient l’explication de la vie sociétale avait conduit Emile Durkheim[3] à asseoir les base de cette sciences en mettant en exergue le poids des structures sociales dans l’explication des faits sociaux. Il a été question de montré depuis le début de la discipline sociologique que de par le processus de socialisation la société intégrait en l’être humain un certain nombre de prérequis (normes, règles, valeurs) qui étaient fondamentales au point de déterminer son comportement. C’est de cette conception que le holisme méthodologique a été assimilé à la démarche Durkheimienne du fait social. Les auteurs de ce courant ont longtemps dominé la discipline sociologique et cela même aux Etats-Unis ou l’école de Chicago avec son paradigme principal qui se trouve être l’interactionnisme scindé en deux courants que sont l’interactionnisme symbolique et l’ethnométhodologie, avait fini par s’imposer à la naissance de la sociologie américaine et juste après.

Talcoot Parsons avec son ouvrage intitulé social system (1951) allait convaincre l’Amérique au sortir de la deuxième guerre mondiale que le poids des structures sociales et les fonctions dédiées à chacune d’elles étaient la condition pour qu’une société stable puisse exister. C’est pourquoi il adopte une vision systémique et fonctionnaliste dans sa théorie de la société. Pour lui, il faut alors que chaque société puisse répondre aux quatre fonctions en abrégé (AGIL): le A équivaut à l’adaptation à l’environnement (adaptation) qui assure la survie de la société ; G pour but la poursuite d’objectifs (goal), car un système ne fonctionne que s’il est orienté vers un but ; I pour integration, c’est-à-dire l’intégration des membres au groupe ; et enfin L pour (latent patterns) il est question du maintien des modèles et des normes. Talcoot Parsons proposera d’utiliser le sigle (AGIL) comme procédé mnémotechnique pour penser les fonctions du système social.[4] C’était l’heure de ce que certains ont nommé la « grande théorie parsonienne ». Ces préalables nous permettent de continuer notre réflexion sur le lien qui existe entre la sexualité et le milieu en d’autres termes sur le contexte ou l’environnement.

Dans nos sociétés actuelles, il semble évident pour tous que l’environnement dans lequel évolue l’individu influence ses comportements et sa vision de la sexualité, malgré que bons nombre d’auteurs préfèrent incriminer la responsabilité individuelle et les aspects d’ordres psychologiques. Ce qui nous importe et qui est d’ailleurs intéressant c’est le fait que les pratiques sexuelles dans un milieu peuvent prendre des caractéristiques spécifiques ou s’appréhender de plusieurs manières en fonction du contexte social. Cependant notre volonté c’est de nous intéresser à trois éléments essentiels, que sont l’âge, la fréquence des rapports et le nombre de partenaires. Ceci reflète des éléments cruciaux dont bons nombres de personnes ont des perceptions différentes dans notre société.

  • Pour ce qui est de l’âge, les mauvais exemples en matière de sexualité se répartissent tant dans les unions légales et légitimes que les jeunes et autres personnes n’étant pas dans ces unions. Les comportements de ces individus reflètent dans une certaine mesure des difficultés d’éducation à la sexualité, dont probablement le contexte social ne saurait être occulté. Des interrogations fusent de partout et les réponses peuvent être trouvées par tous en fonction des orientations d’ordres morales et normatives. C’est ainsi que l’on se demande quelle éducation sexuelle doit-on concevoir pour les plus jeunes et adolescents dans un environnement social austère ? Mais également quelles compétences sexuelles faut-il incorporer aux personnes étant dans les unions légales et légitimes, et qui continuent de s’adonner à des pratiques sexuelles avec des concubins et concubines ? L’âge est une donnée quantitative, donc objective dans certaines sociétés mais dans la plupart de nos sociétés africaines l’âge est avant tout une construction sociale donc subjective, le nombre d’années décomptés à partir de la lune est certes une réalité théorique comparé aux évènements majeurs survenus lors de la naissance qui sont plus pratiques, puisqu’au finale ce sont ces évènements qui permettront à la mémoire collective de dater l’âge de l’individu. C’est pourquoi le groupe d’âge est capitale dans de telle société, on dira alors que c’est la spécificité ou le propre des sociétés ou l’oralité transcende l’écriture. Certains milieux et endroits (quartiers, localités, groupes de pairs, clubs d’amis, bars et maquis) ou mêmes villes sont des environnements ou il n’est pas fait de différence langagière en terme d’âge dans la communication sexuelle, ils sont reconnus comme étant des lieux ou les tabous sexuelles ainsi que le « langage contrôlé[5] » sont quasi inexistants, donc par ricochet avoir des rapports sexuelles ne signifient pas grand-chose et ne saurait constitue une réprobation sociale pour les plus jeunes dans ces types de milieux.  Le cas de l’institution scolaire est très spécifique et nous y reviendrons plus tard.
  • La fréquence du rapport sexuel ainsi que le nombre de partenaires sont dans une certaine mesure corrélée dans nos villes africaines actuelles, même si la fréquence du rapport sexuel peut être rapportée à un seul partenaire sexuel pour certains cas. Nous reviendrons plus loin sur ces deux éléments de façon plus détaillée on niveau des conséquences. Toutefois il est ahurissant de constater que dans les rapports et publications de certaines structures au plan international, l’on s’amuse à de l’inutile et l’on se permet même annuellement à un classement des capitales les plus sexy du monde, c’est-à-dire les capitales des pays dont les individus trouvent plus romantiques et où ils souhaitent avoir des rapports sexuelles[6]. A quelle fin ce classement est-il opéré ?  Surement des raisons mercantilistes s’y trouvent. Par contre nous nous en voudrions si nous ne faisons pas la remarque suivante. En effet il ressort de façon générale que la majeure partie des touristes qui vont dans des pays ou villes classés sexy pour certains et d’autres ne figurant même pas sur ces publications, possèdent sans doute des intentions diverses, mais ce dont on ne saurait nier c’est que d’autres y vont pour le simple fait qu’ils auront l’occasion d’assouvir leurs fantasmes sexuelles.

Annuellement des centaines voire de millier de touristes des pays nantis se dirigent vers ces villes que sont Paris, New York, Amsterdam etc. C’est de cette même manière que les touristes se déversent sur les continents (africain, asiatique etc.) sans juger de leurs intentions, nous notons que plusieurs fois les medias font éclater au grand jour des scandales sexuels liés à ces touristes. Par contre que faut-il ne pas être hospitalier de ces flots de touristes riches, en villégiature sincère pour certains et d'autres dont il faut se garder de commenter les "actes". Il faut retenir que les difficultés d’éducations sexuelles, si elles ne se trouvent pas dans les éléments abordés, ce sont alors ces éléments qui attisent les braises et les germes d’une mauvaise éducation sexuelle dans nos villes.

Effectivement qu’il ne faut pas rejeter ou occulter sa propre responsabilité, mais le constat contextuel dont nous avons opté comme démarche d’analyse nous conduira d’abord vers une responsabilité exogène comme c’est le cas puis ensuite celle endogène.

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      A suivre 

THIENI HAMA 


[1] E. Pourésy (1938, p10-11)

[2] Jean-François Dortier (2013, p11-12)

[3] Emile Durkheim, 1937,les règles de la méthode sociologique

[4] Xavier Molenat et al, 2009

[5] Il est question d’un langage ou les paroles sont profondément pensées et construites en tenant compte des personnes présentes et de l’impact  avant d’être dites

[6] Durex Global sex survey 2001

 

 
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