PROMOUVOIR L’EGALITE DES DROITS FEMME-HOMME : BUDGETISATION SENSIBLE AU GENRE (BSG) UN OUTIL INDISPENSABLE (PARTIE 2)

        LA BUDGETISATION SENSIBLE AU GENRE DANS LE CONTEXTE DE LA DECENTRALISATION

Dans un contexte de décentralisation et de déconcentration des services, la BSG permettrait également un meilleur suivi des transferts de ressources entre les différents niveaux gouverne- mentaux. La BSG participerait ainsi à la consolidation d’un système de bonne gouvernance plus démocratique et plus équitable mais aussi plus participatif. Les inégalités entre les femmes et les hommes ont des coûts économiques et affectent négativement le développement humain. Les politiques macroéconomiques peuvent augmenter ou réduire ces coûts via les recettes fiscales et les dépenses publiques. Le temps de travail consacré aux activités domestiques et de reproduction dans la sphère privée l’est au détriment d’un accès égal des femmes au travail rémunéré, à l’éducation et à la formation professionnelle, à la retraite et à la protection sociale. L’approche genre du budget encouragerait ainsi une utilisation plus efficiente et équitable des ressources publiques et contribuerait à la création d’une nouvelle culture de l’administration publique caractérisée par la recherche de résultats et l’efficacité de gestion.
Elle permet entre autres de rapprocher les dimensions micro, méso et macro de l’analyse économique et de mettre en évidence les conditions microéconomiques de la performance macroéconomique. À travers l’intégration de la dimension genre au cadre des dépenses à moyen terme, la BSG permettrait ainsi de mieux informer les décisions et les politiques macro- économiques et de mieux évaluer leur impact futur dans le court, moyen et long terme, tant sur la stabilité et la croissance que sur le développement social et l’égalité.

• BUDGETISATION SENSIBLE AU GENRE ET PARTICIPATION: L'EXEMPLE D'UNE COMMUNE DU BRESIL

Perçu comme le principal instrument de démocratisation de la gestion locale qu’a connu le Brésil ces dernières décennies, le budget participatif est désormais présent dans plus de cent municipalités brésiliennes. Dans les municipalités où le budget participatif a favorisé l’incorporation de la dimension de genre à la gestion locale, des mesures spécifiques ont été adoptées. Celles-ci furent doubles: d’une part, des mesures de discriminations positives favorisant la participation des femmes et, d’autre part, des mesures visant l’intégration de la dimension genre à la planification locale. Tel est par exemple le cas de la ville de Recife dans le Nordeste brésilien. En 1995, la municipalité y introduit des mécanismes de budget participatif et, en 2001, le gouvernement crée la Coordination de la Femme, ayant pour mission l’articulation et l’élaboration d’une politique de genre au niveau local. Cette instance a joué un rôle non négligeable dans la promotion de la participation des femmes aux discussions budgétaires. Si budget participatif et budget sensible au genre ne sont pas synonymes, nombre d’expériences locales, particulièrement dans la région andine, ont associé les deux approches.

• CRITIQUE DE LA BSG

          RISQUES LIES A LA BSG
Florence RAES (2013), met en garde contre les risques liés à la BSG en mettant en évidence les principaux points suivants : 
•    La difficile comptabilisation de trois logiques différentes, à savoir celle des droits humains, de la bonne gouvernance et de l’efficacité économique. Si l’approche des droits humains aborde la BSG sous l’angle de l’égalité et de l’universalité des droits, les argumentaires d’efficacité économique et, dans une moindre mesure, de bonne gouvernance comportent quant à elles un risque d’instrumentalisation et de dépolitisation de la BSG. 
•    La multiplication des acteurs impliqués dans les différentes expériences constitue à la fois un atout et un défi tant les logiques des acteurs sont parfois opposées voire contradictoires. En outre, si l’objectif de la BSG est sans nul doute l’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes dans la planification et la budgétisation, celle-ci comporte toutefois un risque de dilution des questions de genre dans les réformes de l’État. Pour y faire face, l’instauration d’espaces de dialogue et de participation est fondamentale. 
      OBSTACLES ET LIMITES A LA MISE EN ŒUVRE DE LA BSG 
Il faut souligner que pour la réussite de la BSG il y a des conditions préalables à réussir, ces conditions à elles seules montrent toutes les complexités liées à la mise en œuvre de la BSG dans nos pays. Certains auteurs reconnaissent à l’unanimité qu’il n’existe pas de recette qui garantisse le succès des initiatives de budgétisation sensible au genre, mais la plupart des experts à l’image de ceux du Réseau du CAD sur l’égalité hommes-femmes (gendernet) à travers un rapport d’octobre 2010, préconisent des conditions préalables à la mise en place de la BSG. Parmi ces conditions on peut citer : 
• Le soutien politique: pour obtenir des avancées réelles, une initiative de BSG doit être soutenue par un gouvernement central réceptif et responsable. Cette condition vaut à la fois pour les partenaires du développement et les pays en développement. La société civile peut jouer un rôle important en veillant à la responsabilisation des gouvernements.
• Un engagement durable: les initiatives ponctuelles de BSG ont peu de chance d’exercer une influence significative. Il faut de la patience, car la collecte de données et d’informations prend du temps, de même que la sensibilisation et le renforcement du sens des responsabilités. On estime que les initiatives de BSG doivent être inscrites au budget national pour une durée de trois ans au moins (Budlender et Hewitt, 2003). Les structures parallèles doivent être évitées.
• L'existence de données ventilées par sexe: souvent, on connaît mal les inégalités entre les hommes et les femmes car on manque de données ventilées par sexe, par exemple sur la répartition par sexe de l’étendue et de la diffusion des services publics, et sur les résultats et possibilités de développement qui s’offrent aux hommes et aux femmes respectivement (Budlender 2007).

En définitive nous pouvons retenir que la Budgétisation Sensible au Genre contribue à la prise en compte systématique de l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes dans les budgets publics et la gestion des finances publiques. Les initiatives de BSG permettent de traduire les actions de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes dans le langage de l’administration et d’accélérer la croissance pro pauvres. Elles ont ainsi la capacité de concilier le désir de faire progresser l’égalité hommes-femmes d’un côté et celui d’améliorer l’exécution de l’aide, les politiques nationales et les performances économiques de l’autre. La BSG reste cependant un élément ambitieux de toute réforme de la gestion des finances publiques et nécessite une perspective à long terme et de la patience. à suivre 

    THIENI Hama  
     Sociologue